[ad_1]
Baignés de lumière pendant la journée, les écosystèmes changent profondément la nuit. Lorsque le soleil disparaît, la vie nocturne émerge, et la chouette effraie (Tyto alba) entre en scène. De son autre nom « effraie des clochers », elle est un oiseau de proie nocturne que l’on trouve dans le monde entier, souvent près des villes et des villages. Bien qu’il s’agisse d’une espèce assez familière, il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons à son sujet.
L’une de ses particularités est la différence de couleur du plumage entre les différents individus. Pourquoi certaines ont-elles le ventre complètement blanc, alors qu’il est roux chez d’autres ? Cette question a longtemps intrigué les scientifiques, mais nous avons enfin une réponse.
Les conditions de luminosité dans les environnements ensoleillés déterminent l’évolution des couleurs des animaux, car la composition et la quantité de lumière influent sur la façon dont un animal est vu par ses prédateurs ou ses concurrents. Les rayures d’un tigre, par exemple, permettent à ce grand félin de disparaître facilement dans la forêt indienne dense, où la canopée changeante divise la lumière en lignes.
À lire aussi :
Vidit, 8 ans : « Pourquoi les tigres ont-ils des rayures ? »
Par contraste, la manière dont les conditions de lumière affectent la coloration des espèces nocturnes est moins bien comprise. La lumière de la nuit change en fonction du cycle lunaire. Sortez par une nuit de nouvelle lune dans une zone rurale, et vous aurez besoin d’une torche pour voir clair. Faites de même une nuit de pleine lune et vous aurez probablement assez de lumière pour voir sans lampe. Comment les chouettes effraies font-elles face à ces changements radicaux de luminosité d’une nuit à l’autre ?
Nous pensions qu’elles auraient plus de mal à chasser les rongeurs, dont elles ont besoin pour nourrir leur progéniture, lors les nuits de pleine lune. Notre idée était qu’elles seraient plus facilement repérées par leurs proies au clair de lune. Si c’était le cas, les chouettes blanches auraient plus de difficultés à chasser les nuits de lune que les chouettes rousses, simplement parce que le blanc est plus réfléchissant et donc plus visible au clair de lune que le plumage roux. Il s’avère que nous avions complètement tort.
Des proies paralysées par la lumière
Depuis plus de 20 ans, nous suivons une population suisse de chouettes effraies. Nous surveillons leur comportement de chasse à l’aide de caméras et de traceurs GPS, nous enregistrons la date de leur reproduction annuelle et le développement de leur progéniture dans le nid.
L’étude de ce riche ensemble de données nous a permis de constater que les chouettes effraies ont effectivement plus de mal à chasser les nuits de lune. Elles chassent moins bien et apportent moins de proies au nid. Comme elles reçoivent moins de nourriture, leur progéniture ne prend pas assez de poids et les plus jeunes ont moins de chances de survivre et de s’envoler.
C’est bien ce que nous avons constaté chez les effraies rousses. Mais curieusement, ce n’est pas le cas pour les effraies blanches : au contraire, les effraies blanches semblaient avoir le même succès pour chasser, avec ou sans lumière de la lune.
Perplexes, nous avons décidé d’examiner le problème du point de vue des rongeurs que les chouettes effraies chassent chaque nuit. Notre expérience a consisté à étudier la façon dont les campagnols communs – la principale proie des chouettes effraies – voient les chouettes blanches et rousses et réagissent à leur présence quand la lune est pleine ou quand elle se cache.
Nous avons constaté que les proies détectaient plus facilement les chouettes les nuits de pleine lune, quelle que soit leur couleur. Nous savions quand les rongeurs avaient détecté une chouette car ils se figeaient. Rester immobile est un comportement courant chez les proies, car elles cherchent à ne pas être détectées et à laisser passer le risque. Curieusement, les nuits de pleine lune et uniquement lorsqu’ils faisaient face à une chouette blanche plutôt que rousse, les rongeurs restaient figés plus longtemps.
Nous pensons que les campagnols se comportent ainsi lorsqu’ils rencontrent une chouette blanche parce qu’ils sont effrayés par la lumière vive qui se reflète sur leur plumage.
Cette peur est bien ancrée chez les rongeurs – les chercheurs médicaux exposent les rongeurs à une lumière vive pour mesurer leur réaction de peur et tester sur eux des médicaments destinés à traiter l’anxiété.
Le plumage blanc des effraies des clochers « exploiterait » cette peur en réfléchissant la lumière de la lune. Cela pourrait expliquer pourquoi le plumage blanc – un trait très rare chez les animaux nocturnes – a évolué chez cette espèce.
Cette découverte nous rappelle combien il est important de mieux comprendre et de préserver la faune nocturne et l’environnement dans lequel elle vit. Limiter la pollution lumineuse et laisser la nuit devenir aussi sombre que la Lune le désire pourrait être bénéfique aux belles effraies des granges.
[ad_2]
Almut Kelber, Professor of Biology, Lund University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.